Effervescence au Parlement de Rennes. La salle des Pas Perdus résonne de l'enthousiasme des élèves de 3ème du collège Rosa Parks. Avec Ronan Chérel, leur professeur d'histoire, garçons et filles mettent une dernière main à leur exposition.
Grâce à la commande de la ville, la politique au féminin n'a plus de secrets pour eux, mais ils et elles sont allé-e-s beaucoup plus loin dans leurs apprentissages.
C'est par le truchement de sa junior entreprise, Boite de Com', que la classe s'est appropriée toutes les étapes du projet. Ce que l'enseignant désigne comme « une vraie valeur ajoutée » non seulement pour la scolarité des élèves, mais pour leur construction globale.
L'une est pilote du projet ; l'autre s'est chargée du travail graphique de l'exposition. Au milieu des grilles encore vides dans l'immense salle des Pas Perdus du Parlement de Bretagne, Carla et Evaelle ne cachent pas leur enthousiasme d'avoir participé à ce projet commandé par la ville de Rennes. Dans la programmation des journées des droits des femmes, elles ont toute leur place avec l'exposition « Politique : nom féminin singulier » réalisée par leur classe de 3ème.
« Ça a été dur pour les femmes de rentrer dans le monde politique, surtout qu'il n'y avait pas le droit de vote pour elles » explique Evaelle. Tandis que sa camarade insiste sur l'importance de cette exposition qui permet de « mettre en valeur les choses qu'elles ont faites et qui ont été passées sous silence. » Elles citent à deux voix : Irène Joliot-Curie, Olympe de Gouges, Hubertine Auclert mais aussi plus proches, Hilary Clinton ou Marine Le Pen sans oublier bien sûr, Nathalie Appéré, la maire de Rennes, qu'elles ont rencontrée et qui viendra inauguré leur exposition.
Les collégiennes retiendront deux choses principales de cette expérience. Pour Carla, c'est que « nous, les femmes, on est importantes ! » Pour Evaelle, c'est l'intérêt d'un travail de groupe ; « on a appris de nouvelles choses de cette façon – dit-elle – et pour notre futur, c'est intéressant et enrichissant. »
Une excellence qu'il faut révéler
L'avenir des élèves, c'est justement un des objectifs de Ronan Chérel, professeur d'histoire, géographie et éducation morale et civique, témoin privilégié de toute cette aventure. Boite de Com', c'est lui qui en a eu l'idée l'année dernière pour dit-il « faire passer les élèves d'un statut strictement scolaire à celui de créateurs ou de membres d'une entreprise ; les faire entrer dans la vie active par l'exercice. »
Le désir surtout de trouver des solutions aux problèmes qui gangrènent le quotidien du collège : « le désengagement des élèves de leur scolarité », leurs difficultés d'orientation et pour finir « des choix incohérents par rapport à leurs possibilités. » « Mon objectif n'est pas de promouvoir mes idées – dit-il encore – c'est de développer des valeurs que les élèves ont au fond du cœur et de les mettre en situation de pouvoir les révéler. Il y a une réelle excellence chez les adolescents qu'on ne voit pas quand on est strictement dans le cadre scolaire. »
Pour celui qui se présente comme « impliqué depuis plusieurs années dans la promotion de l'égalité femmes/hommes » la proposition de la ville de Rennes, séduite par la junior entreprise, de mener un projet pour ce mois de mars ne pouvait qu'être une aubaine. Et les collégiens de Boite de Com' ont signé tout de suite.
Les encouragements de la ville et du département
« Boite de Com ' - explique l'enseignant - est une pépinière de plusieurs entreprises de communication ». En début d'année, les élèves ont reçu une formation de créateurs d'entreprises puis ils ont choisi de devenir eux-mêmes créateurs ou d'être associés ou encore membres des mini entreprises qui composent Boite de Com'. Pour assurer le projet de cette exposition, ils ont tout imaginé. « Tous les groupes se sont impliqués – raconte fièrement Ronan Chérel – la classe entière s'est fédérée de manière coopérative ». Carla est devenue pilote du projet ; elle a rencontré Geneviève Letourneux, élue municipale, et les différents partenaires. Evaelle s'est chargée de la présentation visuelle tandis qu'Ibrahim et Antoine réalisaient une vidéo à partir de micro-trottoirs ; Sarah et Mélissa se sont occupées de la réception d'inauguration ; elles ont prévu le buffet, commander les produits, etc. Tout a été prévu de l'accueil des invités à la sécurité en passant par l'impression de marques-pages ou autres cartes postales et bien sûr l'installation des panneaux terminés.
Le département n'est pas en reste. C'est lui qui a accompagné les collégiens pour la réalisation graphique ouvrant ses services à deux stagiaires de la classe. La partie financière, elle, ne pouvant être confiée à des élèves de 3ème, c'est le professeur lui-même qui l'assure et qui rend des comptes à ses entrepreneurs en herbe.
Comme un coup de pédale sur un vélo
« C'est une vraie valeur ajoutée de travailler comme ça avec des élèves – explique Ronan Chérel – Finalement, ils se retrouvent non pas à faire une semaine de stage comme c'est obligatoire en 3ème ; ils font toute une année de stage au contact de différents professionnels. Ils acquièrent des compétences supérieures à celles d'autres élèves du même âge ; ils se font un CV et en même temps un carnet d'adresses. » Des contacts qu'ils pourront réactiver au besoin pour de futurs stages par exemple. « On ne fait qu'amorcer une dynamique – estime Ronan Chérel – c'est comme un coup de pédale sur un vélo. »
Comme le rappelle l'enseignant « l'objectif d'un tel projet est de donner un sens humain à tout l'enseignement prodigué » ; il ne doute pas que ses élèves « voient très concrètement à quoi ça peut leur servir, individuellement, pour le reste de leur construction. » Ce qui ne les empêche pas de respecter le programme officiel de la classe de 3ème et même de « se préparer au brevet sans s'en rendre compte ».
Carla en tout cas ne semble pas être passé à côté des enjeux de ce que lui propose l'expérience Boite de Com'. Dans le catalogue qui accompagne l'exposition, elle écrit : « Je n'aimerais pas que vous pensiez tous que les élèves de collèges sont des sources de problèmes. » Puis plus loin : « Nous, les femmes, ne voulons pas passer notre vie dans la cuisine, mais voulons avoir nous aussi notre place que se soit dans le monde politique mais aussi économique, culturel, sportif. Bref, à la même hauteur que les hommes. »
Geneviève ROY
Pour aller plus loin :
L'exposition « Politique : nom féminin singulier » est visible au Parlement de Bretagne,salle des Pas Perdus (à l'étage) jusqu'au 17 mars chaque jour de 9h à 12h et de 14h à 17h.