La Mutualité Française se réunissait à Rennes les 9,10 et 11 octobre derniers.
Dans le cadre de son programme MutElles créé pour défendre la parité, l'égalité professionnelle, l'accès à la santé des femmes et lutter contre les violences, et autour de Fabienne Colas, présidente de l'Union Régionale Bretagne, un temps était dédié aux droits des femmes et aux engagements de la Mutualité pour les défendre.
« Quand dans une société l'égalité femmes hommes n'est plus un sujet il n'y a plus de remise en question des droits des femmes » estime Dominique Joseph, secrétaire générale de la Mutualité Française. C'est forte de cette conviction qu'elle préside Mut'Elles, premier réseau féminin mutualiste, depuis 2016. A l'issue de l'Asemblée Générale qui ponctuait les rencontres d'octobre, les participant.e.s étaient invité.e.s à se poser la question : comment la mutualité s'engage pour défendre les droits des femmes ?
Invitée de cette table ronde, Amandine Clavaud de la Fondation Jean Jaurès, autrice d'un ouvrage intitulé Droits des femmes, le grand recul est venue rendre compte d'une situation alarmante. Pour elle, les inégalités structurelles déjà à l'oeuvre ont été accrues par la crise sanitaire du covid. L'explosion des violences conjugales constatées durant les confinements, mais aussi les difficultés d'accès à la contraception ou à l'IVG, notamment les problèmes d'approvisionnement en pilules abortives suite à la fermeture des frontières, ont pesé lourd sur la vie de millions de femmes à travers le monde. L'ONU parle de 1,4 millions de grossesses non désirées pour cette période.
Dans le même temps, ce sont les emplois les plus féminisés, ceux du care, qui ont été en première ligne pour gérer la crise alors que dans les instances de décision, les femmes étaient si peu représentées. « Elles ont géré la crise, mais les décisions étaient prises sans elles - s'indigne Amandine Clavaud – et les plans de relance n'ont pas tenu compte de la dimension du genre ». Cette crise mondiale a des répercussions sur le long terme puisque c'est désormais à 300 ans qu'on estime le moment où femmes et hommes seront égaux, contre 234 ans (seulement!) avant 2020.
« Le monde est en train de laisser tomber
les femmes et les filles »
Pour assombrir encore le tableau, la directrice de recherche de la Fondation Jean Jaurès souligne la crise politique internationale et notamment la montée des extrêmes. Des Etats-Unis où le droit à l'IVG est largement mis en péril à l'Afghanistan des talibans en passant par l'Italie où Georgia Meloni ne cache pas son opposition aux droits des femmes et des personnes LGBTI+, « le monde est en train de laisser tomber les femmes et les filles » s'alarme Amandine Clavaud citant les derniers rapports mondiaux sur le sujet. Et l'Europe n'est pas en reste ; outre l'Italie, on pourrait citer les exemples de la Hongrie ou de la Pologne mais aussi de la France où des élu.e.s présent.e.s à l'Assemblée Nationale s'opposent ouvertement au droit à l'avortement.
Pour tempérer un peu ces sombres constats, la Mutualité Française avait choisi de mettre en avant de bonnes pratiques. Charlotte Fellmann, pour la CRESS de Bretagne, et Olivier Foucaud, de la mutuelle Entrain, ont apporté leurs témoignages sur leurs actions en cours sur le terrain. Ici, on met en place de la prévention aux violences sexistes au travail, là on apporte une réflexion sur l'endométriose, la santé des femmes au travail ou encore la contraception masculine ; des partenariats sont initiés notamment avec le Planning Familial. De quoi répondre à Fabienne Colas, présidente de l'Union Régionale Bretagne de la Mutualité Française qui rappelle que « c'est le rôle des militant.e.s de se mobiliser ».
Amandine Clavaud ne dit pas autre chose lorsqu'elle incite à soutenir les associations féministes qui « permettent aux femmes d'accéder à certains droits et palient les dysfonctionnements étatiques ». Il faudrait, rappelle-t-elle encore, 2,6 milliards d'euros (chiffre de la Fondation des Femmes) rien que pour la lutte contre les violences conjugales et la prise en charge des victimes alors que l'enveloppe actuelle ne dépasse pas les 186 millions d'euros.
« Il faut être volontaristes ! » martèle-t-elle rappelant que « au niveau international, la France essaie de porter une voix forte » mais doit aussi être exemplaire sur son propre territoire. Des leviers, précise-t-elle, existent pour améliorer la situation, notamment la diplomatie féministe ou encore l'égaconditionnalité mise en œuvre dans certaines collectivités territoriales. Quelques applaudissements de la salle viendront même saluer sa demande pressante de voir inscrit dans la constitution française le droit à l'IVG.
Geneviève ROY